Cela va à l’encontre d’une exigence du mouvement des femmes : l’individualisation des prélèvements. Le Conseil Constitutionnel condamne le premier pas dans cette direction, rejetant la France vers un familialisme d’entre-deux guerres, alors que la majorité des pays européens pratiquent l’individualisation de la fiscalité, reconnaissant l’autonomie des femmes quel que soit leur statut matrimonial.
Il est stupéfiant que, sans jamais évoquer ce point fondamental, les experts se soient entre-déchirés sur la réponse à cette censure anti-démocratique, hésitant entre une hausse du SMIC, mais sans effet sur les revenus moyens-bas et avec baisse des cotisations patronales ! !,et l’usine à gaz à laquelle le gouvernement s’est finalement résigné, pour se plier aux injonctions familialistes du Conseil constitutionnel.
Ce Conseil n’est même pas logique. Depuis toujours les cotisations sociales sont non progressives et prélevées sur le revenu individuel. En basculant, en 1997, les cotisations-maladie des salariés vers la CSG, (qui avait l’avantage de frapper aussi les revenus du capital), la gauche avait ainsi créé un impôt individuel, mais non progressif… et le Conseil Constitutionnel n’avait alors rien dit. Mais quand enfin la gauche rend cet impôt progressif par un abattement à la base, qui représente pour les Smicards l’équivalent d’un 13° mois, il s’y oppose arguant qu’un impôt progressif doit être familial ! Et pourquoi donc ?
Parce que, pour ces vieux messieurs, l’unité de base de la société est la famille, sous l’autorité du paterfamilias. Résultat : pour maintenir une certaine progressivité de la CSG à la femme seule sans enfant jusqu’au plafond de 8796 F (1, 4 fois le Smic, comme dans le dispositif initial), il faut offrir au cadre supérieur dont la femme ne travaille pas, avec deux enfants, un abattement jusqu’à 22 453 F (parmi les 20% des salaires les plus hauts !). Autant de moins pour les femmes au SMIC, ou contrainte à un mi-temps au demi-SMIC.
On retrouve les ravages du quotient familial à la française, basé sur le principe de " l’équité horizontale " : donner plus aux enfants de riches qu’aux enfants de pauvres. Sans quoi les familles riches feraient moins d’enfants que les pauvres, car elles y perdraient trop par rapport à leurs pairs sans enfants !
Ainsi une bonne intention se transforme en une " carotte " pour la famille, contraire aux valeurs d’autonomie des femmes que le gouvernement de la gauche plurielle devrait porter ! La fiscalité française va-t-elle continuer de s’enfoncer dans ce bourbier d’une politique familialiste ? Pour nous, il est urgent que le gouvernement réagisse et généralise l’imposition séparée, qui marquera la citoyenneté des deux membres du couple.
Une politique pour les enfants, c’est le contraire de cette politique familialiste, pour ne pas dire nataliste : c’est donner une allocation importante et égale pour tout enfant (y compris le premier) ; c’est créer un vrai service d’accueil de la petite enfance et tripler le nombre de places en crèches ; c’est assurer l’égalité des femmes et leur autonomie, y compris à travers la politique fiscale. Sur ce point, le gouvernement a perdu une occasion.