Les mesures prises dans la période récente par le gouvernement Raffarin ne peuvent qu’aggraver encore une situation catastrophique : privatisations de services conduisant au démantèlement de l’hôpital public, augmentation du forfait d’hospitalisation, suppression de la prise en charge à 100 % de certains soins, déremboursement de centaines de médicaments. L’Aide médicale d’Etat aux étrangers sans papiers a déjà été quasiment supprimée, l’obtention de cette aide devenant inaccessible et les personnes devant assurer de toutes façons le paiement d’un ticket modérateur. Quant à la CMU (Couverture maladie universelle), sa remise en question découle d’une refonte globale de l’assurance maladie qui réduirait le régime général au strict minimum et accorderait une place croissante à des assurances complémentaires privées ; ces dernières fonctionnant sur des critères de rentabilité.
Il y a peu, le gouvernement affirmait son intention de légiférer par ordonnances, afin d’éviter d’être confronté à un débat public mettant en jeu les partenaires sociaux (syndicats, mutuelles ou associations concernées). Même au cas où un tel débat pourrait avoir lieu, de quelle façon les femmes y seraient-elles associées ? Or, il se trouve que celles-ci sont concernées au premier plan par ces mesures.
1) Parce qu’elles sont nombreuses parmi les 4,5 millions de personnes bénéficiant de la CMU (Couverture maladie universelle). Les femmes sont très largement soumises au travail à temps partiel, aux contrats précaires. Celles qui vivent seules ou dans des familles « monoparentales » représentent une forte proportion des personnes pauvres, qui ne peuvent disposer d’aucune autre forme de protection sociale. Pour cette raison, le transfert de nombreuses charges du régime général vers des assurances complémentaires privées (et payantes) les pénaliserait tout particulièrement.
2) Parce que, étant donné les numerus clausus et le manque de personnels soignants, beaucoup de cabinets médicaux se fermeraient aux populations démunies. De fait, de nombreux cabinets pratiquent déjà de plus en plus souvent des dépassements d’honoraires importants par rapport aux tarifs conventionnés (en particulier pour les médecines de spécialités).
3) Parce que les services concernés par les fermetures ou les privatisations sont en premier lieu des services gynécologiques, des maternités, des services qui pratiquent des avortements, des dispensaires et des cabinets dentaires situés dans des quartiers populaires ; toutes ces mesures touchant en priorité des femmes ou des enfants.
4) Parce que dans les hôpitaux, 80 % des professionnels de santé sont des femmes (agents de services, aides soignantes ou infirmières). Seule, la catégorie des médecins est fortement masculine. Or, compte tenu de la privatisation d’une partie de ce secteur (prévue dans le cadre du plan Hôpital 2007) et du développement de l’intérim, de la sous-traitance et des embauches en CDD non suivies de titularisation, ces professions sont en voie de dégradation très rapide. Les rémunérations dans le secteur privé sont nettement plus faibles (en moyenne 300 euros par mois en moins).
Le problème de l’individualisation des droits sociaux des femmes et du remplacement des « droits dérivés » par des droits propres reste en suspens. La CMU et le RMI (d’ailleurs remis en cause) n’ont jamais été réellement individualisés, puisque le plafond de ressources très bas qui conditionne leur obtention est différent pour une personne vivant seule (567 euros pour la CMU) ou avec un conjoint (850 et plus). Les femmes dont le conjoint travaille ont souvent un revenu familial qui dépasse ce plafond autorisé. Elles ne peuvent donc bénéficier, au stade actuel, d’un revenu et d’une protection sociale qui leur donnerait une autonomie.
Pour toutes ces raisons, le Collectif national pour les droits des femmes appelle à se mobiliser contre les tentatives d’imposer une réforme de la Protection sociale sans débat avec l’ensemble des citoyennes et citoyens, qui mettrait en cause ses fondements solidaires.